Qui tue nos métadonnées ?

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11 mai 2018

Qui tue nos métadonnées ?

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Seules 3 % des photographies publiées sur le web contiennent encore leurs métadonnées. Les 97 % restants sont dépourvus de toute métadonnée. Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Quelles sont les solutions ? À l'heure où nous sommes confrontés à une déferlante de fake news, ces questions méritent d'être posées.

Octobre 2017. Nuit au Soudan du Sud, dans une zone de guerre appelée Jonglei, près du village d'Akobo. Il est 20 heures lorsque le photographe français Olivier Jobard, après avoir dîné de sardines sorties d'une boîte de conserve ainsi que de quelques bananes, ouvre le capot de la Land Rover louée contre espèces sonnantes et trébuchantes quelques jours plus tôt. Il connecte les pinces crocodiles à la batterie et, de l'autre côté d'un câble de plusieurs mètres, à un transformateur alimentant son ordinateur. Il démarre ensuite le moteur afin que la batterie du véhicule ne se décharge pas. Assis sur le siège du passager, l'ordinateur sur les genoux, le photographe télécharge sa carte mémoire dans un disque dur externe. Il importe ensuite dans Lightroom les photos qu'il a prises ce jour-là : l'entraînement militaire d'un groupe de paysans-guerriers.

Le plus long travail d'édition des images sélectionnées (une quarantaine sur près de deux cents prises de vue) consiste à éclaircir les visages très sombres sur un ciel très bleu.

édition des métadonnées par le photographe

Les métadonnées prédéfinies pour cette mission remplissent automatiquement les mêmes informations pour chaque image ; copyright, nom de l'auteur, nom de l'agence par laquelle Olivier diffuse ses photos, pays, région, catégorie, date et heure de la prise de vue.

Il ne reste plus qu'à remplir la case "description". Si la même description s'applique à toutes les photos prises, par exemple, lors du "parcours d'obstacles", il en faut une autre pour "l'entraînement au tir" et une autre pour la "parade finale". N'oubliez pas d'ajouter le nom du commandant sur les photos où celui-ci harangue ses hommes.

Dans la case "mots-clés" - ces fameux mots sans lesquels les photos d'Olivier resteraient invisibles à tous les moteurs de recherche - le photographe tape une longue liste militaire : Afrique, Afrique de l'Est, conflit armé, entraînement au combat, Jonglei, Nuers, Sud Soudan, guerre, etc. Il relit une dernière fois toutes ces informations, corrige quelques fautes d'orthographe et, satisfait, enregistre les images dans un dossier d'exportation.

Heureusement, à l'endroit où il se trouve, son téléphone capte un signal relativement puissant. Olivier transfère immédiatement ses images vers Paris, en France. Miracle, cette nuit-là, le réseau est stable pendant la transmission. Il est presque 23 heures lorsque le photographe peut enfin couper le moteur de la Land Rover, éteindre son ordinateur, débrancher le câble du transformateur et le disque dur, ranger soigneusement le tout dans un petit sac étanche et s'endormir sous sa tente. Il doit se lever dans quatre heures, bien avant l'aube, pour se rapprocher de la zone de combat.

Malheureusement, il ne sera pas fait grand cas de ces longues heures consacrées à renseigner le plus précisément possible ses images - les fameuses métadonnées - donnant toute leur valeur journalistique aux photographies d'Olivier. Les métadonnées seront supprimées, jetées, effacées par les sites d'information qui les publieront. C'est aussi le cas de l'immense majorité des trois milliards de photos publiées chaque jour sur le web, que ce soit les vôtres ou les miennes, celles de professionnels publiées sur le site du New York Times ou celui de Libération ou celles d'amateurs échangées par smartphone, publiées sur Facebook, Instagram, Snapchat, etc.

Alors qu'Elon Musk provoque l'admiration des médias en mettant en orbite une stupide voiture, les mêmes médias se moquent bien que les métadonnées disparaissent des photos (donc de leurs sources) publiées sur leurs sites web et sur le web. Mais ces mêmes médias sont indignés, bien sûr, par les multiples scandales liés aux fake news ....

Suivons les photos prises et envoyées par Olivier Jobard. Leurs métadonnées ne sont pas effacées par l'agence qui a reçu les photos et les a relayées (avec les métadonnées) aux éditeurs qui les ont licenciées. Ce sont les éditeurs qui sont responsables de leur disparition.

l'optimisation mobile tue les métadonnées

Les photos seront probablement correctement légendées et signées dans la publication imprimée comme sur son site web. Mais sur ce dernier, les photos seront redimensionnées pour être plus petites afin d'apparaître en un clin d'œil sur les écrans de nos ordinateurs ou de nos smartphones, outils de consultation désormais incontournables. Le service informatique des sites d'information, pour optimiser au maximum les images, les compresse et, par une vieille mauvaise habitude, les dépouille de toutes les métadonnées, considérées comme un poids inutile. Cette habitude obsolète remonte aux débuts de l'internet, lorsque sa vitesse était faible. Elle n'est plus nécessaire aujourd'hui. Pour preuve, certains sites d'information récents ne les suppriment plus.

Regardez attentivement le tableau ci-dessous. Il s'agit du résultat d'une étude réalisée par IMATAG sur les métadonnées d'environ 120 000 images analysées sur plus de vingt sites d'information dans le monde. À ma connaissance, c'est la première fois qu'une telle étude est publiée. Le résultat est stupéfiant.

présence de métadonnées sur les droits d'auteur dans les images des sites éditoriaux mondiaux

Comme vous pouvez le constater, il y a de bons et de mauvais participants. Lorsque j'ai interrogé les directeurs informatiques de ces derniers, ils ont convenu qu'il n'y a guère de raisons techniques de le faire, que c'est "une nouvelle culture qu'il faudra apprendre", que c'est "une question d'ignorance, pire, de négligence" ou qu'"il faut des gens comme vous pour attirer notre attention sur ce problème" ... Pour le New York Times, c'est même une question de confidentialité, pour protéger le journaliste !

Il n'est certes pas nécessaire de laisser dans les métadonnées l'adresse, l'email et le téléphone du photographe mais au moins son nom, la source de l'image (agence, collectif ou organe de presse) et sa description. Sinon, dès que le reportage d'Olivier Jobard sera mis en ligne, l'article et ses photographies seront téléchargés, partagés, les captures d'écran se multiplieront, seront partagées à leur tour, diffusées dans le monde entier sans source ni information.

Renverser la vapeur

La première étape consiste bien sûr à remplir les champs IPTC avec les informations qui constitueront les fameuses métadonnées d'une photographie.

Bien entendu, les métadonnées risquent également d'être modifiées. Dans ce cas, il est nécessaire de trouver des moyens de vérifier l'intégrité des informations. Une piste très intéressante serait la création d'un registre sécurisé et infalsifiable qui vérifierait les métadonnées à la demande, voire accéderait aux métadonnées originales. La solution pourrait se situer au niveau de la blockchain avec la création d'un registre décentralisé, couplé à un système évolutif d'identification des images. Un système qui devra fonctionner à l'échelle du web, c'est-à-dire pour des milliards d'images. Des entreprises comme Binded ou KODAKOne s'engagent dans cette voie, mais l'accent est mis sur la preuve de l'antériorité, plutôt que sur la protection des métadonnées. Binded ne fait référence qu'au champ de description et nous ne savons pas encore quelle est la position exacte de KODAKOne en ce qui concerne les métadonnées.

L'identification de l'image reste la pièce maîtresse du système. Le marquage des photographies avec un filigrane invisible est actuellement la technologie la plus fiable pour identifier une photo et la relier à ses métadonnées d'origine. Son adoption est encore loin d'être mondiale. Digimarc a été l'un des premiers à proposer ce type de marquage, mais il n'a pas de politique en matière de métadonnées et se concentre principalement sur le marché des entreprises. De plus, son filigrane n'est pas totalement résistant à la compression, à l'inversion ou au recadrage.

Le plus efficace en matière de protection des métadonnées est clairement Imatag. Avec son offre dédiée aux agences photo, Imatag vous permet de stocker, taguer, partager et tracer vos photographies sur le web et sur papier. Couplé à son moteur de recherche inversé qui référence chaque jour plus d'un million d'images sur le web - dont les vôtres dès qu'elles sont marquées - Imatag délivre une preuve de propriété indiscutable tout en réunissant une photo avec ses métadonnées d'origine, même si elle a été supprimée ou éditée.

Si certains sites d'information montrent la voie en ne supprimant pas les métadonnées (Spiegel, Le Monde, Le Figaro ou le Huffington Post par exemple), il reste à renverser la vapeur et à convaincre que c'est le moyen le plus simple de référencer les sources et les auteurs tout en luttant efficacement contre les fausses informations. Cette solution est viable si les moteurs de recherche et les réseaux sociaux décident eux aussi de référencer les métadonnées. Mais il ne sert à rien pour les éditeurs de se lamenter sur le phénomène des fake news ou de supplier l'UE d'adopter les droits voisins pour que les GAFA paient pour l'utilisation qu'ils font de leurs articles tant qu'ils continuent à supprimer les métadonnées des images. Ils sont le point d'entrée de nombreuses images sur le web et devraient donc être la référence. Il n'est pas trop tard.

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